Noureddine Boutar, 50 jours en prison...sous quelle inculpation ?
Le directeur général de la radio Mosaïque FM, le journaliste Noureddine Boutar, est emprisonné, depuis 50 jours, après qu'une unité de sécurité a perquisitionné son domicile le 13 février 2023 et l'a arrêté, sans dire à la famille les motifs de cette mesure.
Après plus de six heures d'audition au siège d'El Gorjani à Tunis, le ministère public a décidé de mettre en garde à vue Noureddine Boutar, sans le moindre chef d'accusation.
Maître Dalila Msaddek, avocate de Noureddine Boutar, a d'ailleurs fait savoir que les questions de l'enquêteur à El Gorjani ont toutes porté sur la ligne éditoriale de la radio et sur la gestion financière et administrative de l'établissement, précisant que le directeur de Mosaïque FM y a répondu toutes, présentant les documents confirmant la légalité et la solidité de la gestion financière et administrative de la radio.
Suite à cette arrestation, la famille Mosaïque FM a publié un communiqué, où elle a fait état de son étonnement quant à la descente et à la perquisition du domicile du directeur général de la radio, ainsi qu'à la décision de le conduire à l'unité d'investigations d'El Gorjani.
Et si la famille Mosaïque FM a exprimé son respect pour le travail sécuritaire légal et pour la justice indépendante, elle a vigoureusement dénoncé -et continue de dénoncer- les agissements terrorisants et les arrestations anarchiques. Tout comme elle a condamné les tentatives de porter atteinte à l'indépendance de la radio et à la liberté de presse.
C'est que l'arrestation du directeur général de Mosaïque FM a été précédée d'une campagne incitative de satanisation et de stigmatisation, contre la radio et contre l'ensemble de son personnel, menée par des parties connues.
Aussi la famille Mosaïque FM, journalistes, correspondants, techniciens, collaborateurs, personnel administratif et ouvrier confondus, exprime-t-elle son soutien inconditionnel à son confrère et directeur général et condamne les atteintes récurrentes portées à la radio, pour faire taire sa voix libre. Elle affirme aussi son attachement inaliénable à l'indépendance de sa ligne éditoriale et à sa mission journalistique, dans le respect de sa Charte rédactionnelle.
Voici, par ailleurs, la chronologie des faits marquants de l'affaire Noureddine Boutar
-Lundi 13 février 2023:
Descente et perquisition du domicile de Noureddine Boutar puis son arrestation sans le moindre chef d'accusation.
-Mercredi 15 février 2023:
Le ministère public au Pôle judiciaire financier prolonge sa détention de cinq jours, sans inculpation.
-Lundi 20 février 2023:
Le juge d'instruction du Pôle judiciaire financier émet un mandat de dépôt contre Noureddine Boutar.
-Mercredi 22 février 2023:
Son collectif de défense organise une conférence de presse, au siège du Syndicat national des journalistes tunisiens.
Une demande de sa libération est, en parallèle, présentée, pour absence de chef d'accusation.
-Mercredi 22 mars 2023:
La Chambre d'accusation spécialisée dans l'examen des affaires de corruption financière auprès de la Cour d'appel de Tunis confirme le rejet par le juge d'instruction du Pôle judiciaire et financier de la demande de libération de Noureddine Boutar, pour soupçons de blanchiment d'argent.
Les réactions après l'arrestation de Noureddine Boutar
-Le président du SNJT, Yassine Jelassi, a affirmé que ce qui s'est passé, lors de l'interrogatoire du directeur de Mosaïque FM, Noureddine Boutar, était grave.
Il a précisé que les interrogatoires n'ont porté ni sur le complot contre la sûreté de l'Etat ni sur d'éventuels dépassements financiers ou administratifs au sein de la radio, mais sur la ligne éditoriale et la manière de recruter les journalistes et les chroniqueurs de la radio.
-Le Comité pour la protection des journalistes a appelé, dans un communiqué, publié le mardi 14 février, à la libération immédiate et sans conditions du directeur général de radio Mosaïque FM, Noureddine Boutar.
Le coordinateur du Moyen-Orient et Afrique du Nord du CPJ, Chérif Mansour, a déclaré que l'arrestation de Noureddine Boutar était une attaque contre la presse tunisienne.
-La Fédération tunisienne des directeurs de journaux a exprimé sa solidarité indéfectible avec Noureddine Boutar et a appelé à sa mise en liberté, le plus rapidement possible.
-L'organisation non gouvernementale, Reporters sans frontières a appelé, le mardi 14 février 2023, à la libération immédiate de Noureddine Boutar, estimant que "les libertés en général et la presse en particulier se détérioraient en Tunisie".
-L’organisation non-gouvernementale "EuroMed Droits" a condamné le mandat de dépôt émis contre le directeur général de Mosaïque FM, Noureddine Boutar, "sur fond d'accusations insignifiantes, en lien avec son travail journalistique", selon les termes du communiqué.
L’ONG a appelé à la libération immédiate de Noureddine Boutar, à respecter la liberté du travail de presse, à mettre fin à la "campagne ciblant les libertés" et à cesser d’instrumentaliser la magistrature pour criminaliser toute activité pacifique.
-Le 16 mars 2023, la résolution sur la Tunisie, sous l’intitulé "Attaques récentes contre la liberté d'expression et d'association et les syndicats, notamment le cas du journaliste Noureddine Boutar", estcadoptée par 496 voix pour, 28 contre et 13 abstentions, par le Parlement européen.
"Le Parlement exhorte les autorités tunisiennes à libérer immédiatement Noureddine Boutar, directeur de la plus grande station de radio indépendante de Tunisie, qui a été arrêté le mois dernier par des unités antiterroristes pour des motifs politiques et des allégations infondées (...) Le Parlement demande instamment aux autorités de libérer toutes les personnes détenues arbitrairement, y compris les journalistes, les juges, les avocats, les militants politiques et les syndicalistes, et de respecter la liberté d’expression et d’association et les droits des travailleurs, conformément à la Constitution tunisienne et aux traités internationaux."
Le député italien Marco Grimaldy a indiqué, dans une allocution au Parlement que les autorités italiennes ne peuvent ignorer ce qui se passe actuellement en Tunisie. Il a ajouté que le président tunisien, Kais Saïed, s’est arrogé tous les pouvoirs et mis en place un régime répressif. Il a, également souligné que ce pouvoir a annulé tous les acquis du pays en matière de démocratie, de droits et libertés.
Grimaldy a, également, précisé que Kais Saïed a emprisonné ses opposants politiques et des journalistes, dont le directeur général de Radio Mosaïque FM, Noureddine Boutar.